synapsis
Exemples d'énergies citoyennes et rurales
Chateau-du-Loir
Le Jardin du partage
Jean-Philippe Cordier est président et fondateur, avec Guy du Jardin du partage à la Chartre-sur-le-Loir.
Situé en bordure de rivière sur une friche de 2,5Ha appartenant à la commune, il est à ce jour entretenu par 13 jardiniers apprentis et confirmés, curieux et partageurs de savoir. 900 m2 environ de terrain ont été défrichés et mis en culture bio. C’est un lieu à la fois de partage et pédagogique.
Issu du monde paysan, pour Jean-Philippe, le jardin est avant tout une pratique vivrière et un engagement militant.
Reine est adhérente et trésorière de l’association depuis trois ans, elle a longtemps vécu en région parisienne avant de s’installer à Chahaignes.
Un jardin partagé en milieu rural
Comment est née l’idée de faire un jardin partagé à La Chartre sur-le-Loir?
Jean-Philippe :
Je suis issu du monde agricole, mes parents étaient paysans dans le nord de la Sarthe, le jardin est pour moi une pratique vivrière naturelle quand on vit à la campagne. Dans « ma vie d’avant » j’avais aussi une basse cour, des poules, lapins et chèvres dont le lait était transformé en fromages. Acheter des légumes est pour moi un non sens.
Quand je suis arrivé à la Chartre, je n’avais pas de jardin. Un soir, je fais la connaissance de Guy et évoque mon projet de créer un jardin partagé sur la commune. C’est le début d’une collaboration étroite. Nous avons recherché un terrain en amont de la création de l’association pour pouvoir démarrer rapidement.
Au départ, l’ancienne municipalité était prudente par rapport à notre projet.
Quand on l’a sollicité, on n’a pas vraiment eu de réponse, mais quand on a annoncé qu’on voulait accueillir les écoles elle s’est ouverte.
L’association a été crée en mars 2016.
Une convention de mise à disposition d’une partie de la friche communale a été élaborée.
On défrichait à la grelinette et on semait ou on plantait au fur et à mesure de l’avancée.
Nous avons été récompensé de nos efforts car la récolte a été bonne et bien supérieure à nos besoins. Les premiers adhérents nous ont rejoint en septembre.
La deuxième année, Jacky, un grand connaisseur des ânes, est venu avec son attelage pour nous épauler dans l’extension du jardin. Ses démonstrations étaient très appréciées par les enfants de l’école qui venaient avec leurs enseignants.
C’est du militantisme dans l’action de faire ?
Jean-Philippe :
Le projet de faire un jardin partagé est un acte militant par rapport à une société rongée par le replis sur soi. C’est une expérience humaine riche. On connaît les gens quand on travaille avec eux.
Le jardinage apprend l’humilité (qui vient d’humus). C’est donner le meilleur de soi-même et dans la continuité sans être sûr du résultat car aux ravageurs du jardin s’ajoute les aléas climatiques. Si la récolte est bonne ; on est récompensé de ses efforts mais dans le cas contraire il faut rechercher les causes de l’ échec. Cependant, on ne contrôle pas tout. C’est en cela que c’est une école de la vie. Si on triche avec la terre et les plantes on le paie un jour ou l’autre .
Ici, tout est toujours à recommencer chaque année, tout est éphémère comme notre vie.
Demain, si l’association est dissoute tout sera vite effacé par la nature.
Il y a une dimension philosophique dans l’acceptation de l’échec.
On a vécu des moments forts ici, notamment pendant la période du Covid.
Reine :
On divise la classe en petits groupes de quatre à cinq enfants. Certains paraissent agités au départ, ils courent et ils ont du mal à se concentrer. On voit tout de suite ceux avec qui ça va être plus difficile, mais par petites touches on arrive à les sensibiliser.
Quand j’étais parisienne j’achetais des concombres hollandais en février, maintenant je ne mange que des légumes de saison.
Quand j’ai quitté la ville pour venir en retraite ici, j’avais peur de m’ennuyer à la campagne, mais pas du tout. Il y a beaucoup à faire ici et je trouve aberrant de faire 50km pour adhérer à une association mancelle.
Nous sommes à la Chartres-sur-le Loir, donc en zone rurale, les jardins partagés sont le plus souvent situés en zones urbaines et péri-urbaines mais ici à peu près tout le monde a un jardin. Quelle est la démarche des adhérents ?
Jean-Philippe :
Ici, quasiment tout le monde a un terrain mais pas forcément un jardin, la démarche est militante. Ils viennent pour le partage et pour apprendre. Les adhérents s’inscrivent pour la convivialité. Certains sont de très bons jardiniers, d’autres viennent pour apprendre.
Sur les treize adhérents, trois sont des retraités, les autres sont des personnes actives. Ils sont de la Chartre ou bien des villages alentours comme Reine qui vit à Chahaignes.
Ils possèdent chacun leur propre jardin mais ils apprécient ici le travail partagé et commun.
Chaque adhérent est tenu de participer aux travaux au moins 3h30 par semaine. C’est un engagement moral auprès des plantes et des autres membres. C’est une responsabilité auprès du végétal, un respect pour le vivant.
La démarche de base est aussi pédagogique, des parcelles sont dédiées aux écoles.
Les jardiniers préparent le sol pour les enfants. Ils leur montrent comment faire un sillon, des semis…
Un terrain d'expérimentation
Vous êtes donc connus des villageois ?Ils viennent vers vous ?
Jean-Philippe :
On est connu dans la commune, surtout par les résidents du quartier de la Pléiade où nous sommes et aussi grâce au marché de noël mais on n’a pas la mentalité de clamer qu’on fait ça. Les gens du coin le savent, s’ils veulent venir ils viennent.
Les gens du quartier de la Pléiade nous connaissent bien. Les anciens viennent nous voir au jardin. C’est un moment d’échange.
Comment s’organise la vie au jardin partagé ?
Reine :
Le premier rituel quand on arrive sur le terrain est de regarder, de voir ce qui a été fait.
Il y a les sessions hebdomadaires (les mardi et jeudi après-midi et le samedi matin). D’autres viennent et participent suivant leur emploi du temps. Quand on arrive, il faut regarder ce qui a été fait, ce qu’il faut faire.
On s’adapte aussi à la météo.
Jean-Philippe :
Un agriculteur nous laisse de la vielle paille en ballot et nous récupérons du fumier de cheval d’un centre équestre à proximité.
On a plus de vingt légumes différents auxquels s’ajoute les aromatiques.Chaque plantes a ses propres exigences et maladies. Il faut s’adapter. C’est un gros travail.
On cherche a associer les plantes le mieux possible pour qu’elles s’entraident. On a un tableau des associations de plantes.
On pompe l’eau dans le loir, il n’y a pas d’électricité sur le terrain. C’est un travail physique.
On fait soit une récolte en une fois, comme avec les pommes de terre et on les partage équitablement, soit quand la récolte s’échelonne, chacun prend suivant son besoin.
Il y a de la liberté dans les initiatives et le mode de production. Par exemple, il y a, un des jardiniers qui a voulu semer des haricots grimpants selon un plan basé sur le nombre d’or.
Mais le jardin est avant tout vivrier, avant d’être du plaisir. Il doit d’abord fournir à
manger.
Reine :
Ici il y a des trucs que l’on sait, d’autres qu’on ne sait pas mais il n’y a pas de dogme, c’est un jeu d’essai, de questionnement et de réponses.
Jean-Philippe :
Le jardin est situé sur une zone inondable. Tous les ans il connaît des crues. Les inondations sont bénéfiques si elles arrivent l’hiver et si elles ne durent pas. Elles apportent du limon.
Nous avons pas mal de plantes sauvages ; le colza qui est arrivé par les crues, de la cardère et nous utilisons la consoude et l’ortie comme purin.
Nous avons eu envie d’installer des ruches et nous avons ensuite contacté le GDSA 72 (Groupement de Défense Sanitaire Apicole 72) qui nous a beaucoup aidé. A l’heure actuelle, nous avons deux ruches sur le terrain et deux jardiniers apiculteurs pour s’en occuper. Nous produisons du miel toutes fleurs.
On fait aussi de la vente sur les marchés de noël, des producteurs et pendant la fête du jardin (vente de miel, oeillets de poète…)
Lecture à partager
Le Jardin du Partage
3 rue Emile Simon
72340 La Chartre Sur Le Loir